L’objectif premier de la décentralisation est la création d’un cadre institutionnel favorable à l’exercice de la démocratie et à la promotion d’une véritable citoyenneté, à travers un rapprochement des organes de décision avec le peuple.
Dans le processus de décentralisation, les archives sont des éléments pour la sécurité ; un instrument au service du mécanisme de prise de décisions ; une source d’information, d’identité et de souveraineté nationale ; un moyen de justification des droits de l’Etat et des citoyens ; et enfin un outil pour une bonne gestion des affaires du Cameroun.
En effet pour commencer toute décentralisation, un cadre juridique et législatif est nécessaire, ce qui implique la génération des documents tel que les lois, les décisions et autres…
Au Cameroun la décentralisation s’est faite au travers la production de documents à caractère légal, faisant partie intégrante de la mémoire nationale selon les étapes suivantes ;
1996 : La loi du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 ; elle dispose que : le Cameroun est un Etat unitaire décentralisé, (Article I, al. 2) ;
– que les collectivités territoriales de la République sont les Régions et les Communes (Article 55, al. 1) ;
– que celles-ci ont la mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif des populations (Article 55, al. 2) ;
– que le Sénat représente les collectivités territoriales décentralisées (Article 20, al. 1).
2004 : Les trois premières lois de décentralisation ont été promulguées, à savoir les lois n° 2004/017, 2004/018 et 2004/019 du 22 juillet 2004, respectivement sur l’orientation de la décentralisation, les règles applicables aux communes et les règles applicables aux Régions.
2009 : Promulgation de la loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des collectivités territoriales décentralisées, de même que de la loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant sur la fiscalité locale.
2010-2015 : Période pendant laquelle l’Etat a transféré aux collectivités territoriales décentralisées les compétences et pouvoirs prévues par la loi de 2004, de même que les ressources correspondantes.
2018 : Création, le 02 mars, du Ministère de la Décentralisation et du Développement Local.
2019 : Promulgation le 24 décembre, de la loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées.
Mais qu’est-ce qu’un état unitaire décentralisé ?
L’une des particularités de l’Etat unitaire c’est qu’il est caractérisé par l’existence d’un seul centre du pouvoir politique, détenu au niveau national, exerçant la souveraineté et dont les décisions s’appliquent sur tout le territoire.
La décentralisation quant à elle a pour but de donner aux collectivités territoriales plus de liberté de décision et d’action, tout en confiant à l’Etat un simple rôle de contrôle et surveillance. L’objectif étant de diminuer la dépendance des collectivités vis-à-vis de l’Etat. Le processus de décentralisation doit respecter et accepter la diversité des situations locales. Toutes les communes sont égales, il n’y a donc pas de hiérarchisation possible.
En somme, dans un Etat unitaire décentralisé, l’Etat étant indivisible garde sa supériorité hiérarchique, les collectivités territoriales décentralisées gagnent en autonomie, la démocratie prend plus de valeur au travers la participation grandissante du peuple dans la gestion des affaires de l’état.
Pour un Etat unitaire comme le Cameroun, dans un processus de décentralisation il est important que l’Etat délègue certains pouvoirs aux communautés décentralisées. Les responsabilités des communes n’excluent pas les pouvoirs de l’Etat unitaire. A travers le principe de la compétence d’attribution, certaines compétences sont retirées à l’Etat et confiées aux communes, qui elles paraissent plus à même de les exercer compte tenu de leur proximité avec les citoyens. Entre en jeu ici le principe de subsidiarité selon lequel certaines responsabilités doivent être prises au plus petit niveau d’autorité publique compétent pour résoudre les problèmes des citoyens plus rapidement et plus efficacement par rapport à la concentration des pouvoirs au niveau de l’Etat seul.
Quel serait donc l’impact des archives sur la décentralisation ?
Il a été établi avec preuve à l’appui que l’écrit administratif est un outil d’aide à la prise de décision, un instrument de gestion et de garantie des droits, une documentation historique de recherche, un enjeu culturel et d’identité. Il en résulte l’urgence pour le gouvernement de repositionner la place de l’écrit administratif dans sa prérogative régalienne de conservation et de diffusion de la mémoire collective, et d’en faire un fleuron au service de la bonne gouvernance. L’impact de l’écrit administratif dans la décentralisation se trouve au niveau de la documentation d’une décision, l’instrumentalisation d’une transmission ou encore pour la justification d’une gestion. En effet, l’écrit administratif est un instrument au service du mécanisme de prise des décisions. Un outil pour une bonne gestion des affaires au Cameroun ; un moyen de justification des droits du Cameroun et de ses citoyens.
Comment gérer les archives qui hier étaient centralisées ?
Le Cameroun étant auparavant un Etat centralisé, il est donc normal de s’interroger sur la gestion de l’écrit administratif dans un état qui entame le processus de décentralisation. Les conditions de conservation peu propices à la pérennité des supports en raison des contraintes climatologiques et la lenteur dans la prise de conscience sur l’importance de l’écrit administratif sont les obstacles majeurs à la bonne gestion des archives. De ce fait, pour gérer les archives qui hier étaient centralisées, l’on devrait tout d’abord maintenir le principe du respect de la provenance des documents et la recherche de la reconstitution d’un ordre originel qui a pu se trouver plus au moins altéré au cours du temps. Ensuite a lieu un travail d’identification et d’authentification des documents entrants, tout en effectuant un travail de description des documents et de leur contexte, leur contenu, leur structure; et enfin un stockage sécurisé et une mise à disposition (communication) des documents.
Concrètement, quelle était la gestion de l’écrit administratif au sein de l’Etat camerounais centralisé?
Le Cameroun fut un des premiers pays d’Afrique francophone à publier, en 1996, une législation portant sur l’organisation des archives fédérales. Puis furent créées les archives nationales, rattachées à la Présidence de la république, dont les locaux étaient réservés dans la pièce la plus étroite de la structure. Le personnel en général qui travaillait était non qualifié et suffisamment inconscient du rôle à jouer. Le personnel ne respectait aucune norme ou procédure de la déontologie archivistique. Les documents étaient mélangés, on ne distinguait pas les nouveaux dossiers des anciens. Il n’existait aucun classement précis ; la recherche des documents se faisait dans le tas. On faisait face à une méthode archaïque.
Quels sont les risques encourus si dans le processus de décentralisation l’écrit administratif n’est pas pris en considération ?
L’on pense souvent que pour la réussite de la décentralisation il est important de décentraliser les services mais également et surtout les moyens, parce que c’est l’autonomie financière qui garantit aux autorités décentralisés une meilleure autonomie. Mais nous pensons que une décentralisation sans une « re-ingeniering » des processus administratifs, pour savoir quelle portion décentraliser ne peut être que préjudiciable pour le citoyen, pour le Cameroun.
L’écrit administratif retrace l’évolution du processus en indiquant les étapes franchies, ainsi que celles qui le restent. C’est également avec l’écrit administratif que le transfert des pouvoirs, compétences et des finances est fait. L’écrit administratif devient une boussole administrative capitale sans laquelle ce serait la catastrophe. Sans cela on ne saurait d’où l’on vient, où nous sommes et pire où nous allons, ni comment réaliser la vision et les objectifs de l’Etat. Pourtant, l’écrit administratif permet la transparence dans les activités de l’Etat, et la traçabilité du mouvement des fonds et des personnes ainsi que le déroulement des activités menées au sein du gouvernement et de ses démembrements.
Quelles ont été les étapes franchies par l’Etat Camerounais dans son processus de décentralisation ?
Au Cameroun à travers les actions menées par l’Etat, régies par la législation, encadrées par le MINDDEVEL, et soutenues tant bien que mal par les citoyens, on observe la transformation progressive de la scène politique et un progrès dans le processus de décentralisation nationale. On peut donc observer entre autres les changements suivants :
- De plus en plus d’autonomie au niveau des communes qui bénéficient d’avantage du transfert des compétences et des ressources. L’exercice concurrent des compétences transférées a laissé place à l’exclusivité de l’exercice des compétences transférées. La tutelle de l’Etat sur les collectivités territoriales décentralisées est devenue une tutelle de veille sur le respect de la légalité, d’appui-conseil et d’accompagnement.
- On dénote aussi l’élargissement du champ des compétences accordées aux collectivités territoriales décentralisées. A titre d’exemple, s’agissant des communes, il y’a désormais la possibilité d’exploitation de certaines substances minérales, et l’élaboration des plan de prévention et de gestion des catastrophes.
- L’adoption de l’élection comme seul moyen de désignation de l’ensemble des responsables des communes et localités. Ceci a été mis sur pied pour la première fois, à l’occasion de l’élection des Maires de Ville, suite au scrutin du 09 février 2020.
- Plus de liberté financière pour les collectivités territoriales décentralisées. La loi dispose que les collectivités territoriales décentralisées reçoivent en totalité ou partiellement les produits de l’exploitation des ressources naturelles sur leur territoire, dans les conditions fixées par la loi. Egalement les collectivités territoriales décentralisées se sont vues attribuées une fraction de 15 pour cent des recettes de l’état.
- Plus important encore dans le souci de tenir compte des spécificités de certaines régions, dans leur organisation et leur fonctionnement, a l’issue du Grand Dialogue National convoqué par le Président de la République et présidé par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, du 30 septembre au 04 octobre 2019, un statut spécial a été reconnu aux Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
La décentralisation étant un processus progressif, lent, et tumultueux surtout dans les sociétés comme le Cameroun qui sont caractérisées par une grande diversité culturelle, l’approche se doit d’être inclusive.
Tout passe par l’écrit administratif, c’est l’écrit administratif qui manifeste, prouve et justifie le transfert de pouvoir entre l’Etat et les communes territoriales décentralisées. On observe ceci à travers l’impact que les documents législatifs qui régissent l’évolution de la décentralisation ont sur la situation réelle. Chaque loi, décision et autre documents initiés dans ce sens pose les bases pour l’exécution et le contrôle des procédures. L’écrit administratif devient donc la référence à suivre au cours du processus.
Ayant compris la place centrale de l’écrit administratif, le gouvernement camerounais devrait prendre en compte la question d’intégration d’un système d’archivage national pour gérer l’écrit administratif généré par les centaines de structures gouvernementales dans le plan du développement global du Cameroun afin de faciliter la consultation, la conservation et la communication de l’information sur le territoire et au-delà des frontières./.